Cette exposition est née de la découverte d’une œuvre réalisée par Céline Cléron, Climax, une pyramide de 385 coupes à champagne érigée sur une table, telle qu’on peut en voir lors des mariages. À la différence qu’ici tous les verres sont brisés. L’image est saisissante. L’objet festif se mue en édifice en ruine, tel un château sur le point de s’écrouler…Il tient encore debout, mais pour combien de temps ? Réalisée en 2021, cette pièce entre en résonnance avec la pandémie de Covid 19. Plus largement, elle questionne l’organisation de nos sociétés et convoque les notions de fragilité, de fracture, de perte…
Où le désert rencontrera la pluie de Julia Gault est la seconde œuvre qui est venue en contre-point de celle de Céline Cléron. Des récipients moulés en terre crue à partir de jerricans, arrosoirs, bouteilles et autres contenants, sont disposés sur des étagères métalliques. Certains éléments sont activés par l’artiste, elle les remplit d’eau afin qu’ils se délitent, fissurent, s’effondrent, provoquant des flaques qui se répandent dans le lieu d’exposition. L’installation évoque les relations tumultueuses entre la terre et l’eau et l’impossibilité de dompter la matière. Elle s’affirme aussi comme une vanité.
Dans l’atelier de Pierre-Yves Magerand se trouve l’oeuvre qui allait donner son titre à l’exposition. Elle se compose d’un carré en papier percée d’épingles. Les têtes agissent comme des socles, permettant à la feuille de se maintenir en suspension, tandis que les pointes en transperçant la surface, dessinent la phrase Maintenir la tension pour garder l’équilibre. Les mots que découvre le spectateur font écho à ce qui se joue dans la sculpture même. Avec une grande économie de moyens, Pierre-Yves Magerand sonde les problématiques de la sculpture : la relation à la gravité, les tensions et rapport des matériaux entre eux.
À travers la sculpture et la performance, Claude Cattelain crée des situations d’équilibre précaire, de chute, de tension. Il se met souvent en scène, dans des actions en public et dans des vidéos, où face à la caméra il prend la mesure des espaces, éprouve la résistance des matériaux ainsi que les limites physiques de son propre corps, allant parfois jusqu’à l’épuisement. Dans la vidéo X, l’artiste s’élève dans un couloir à l’aide de trois tasseaux de bois qu’il déplace l’un après l’autre pour progresser et avancer vers le spectateur…
Take Care of me III de Judith Avenel est un moulage en porcelaine d’un gilet de sauvetage pour enfant. La fragilité du matériau contredit la fonctionnalité liée à cet objet, censé protéger et sauver des vies. L’enveloppe vide, renvoie au corps absent, à la disparition, un thème cher à l’artiste. L’œuvre est aussi un Ex-voto à la mémoire des migrants, les naufragés sans visages comme les a nommés Cristina Labanof.
Chacune des œuvres de cette exposition aborde les notions de fragilité, d’éphémère, elle est, à sa manière, l’image d’un monde qui se tient sur le fil et tente de se maintenir debout envers et contre tout.
Nathalie Amiot, commissaire de l’exposition
Du mercredi au samedi de 14h à 18h