Arpenter des récits hybrides et des langages mêlés
Magalie Vaz - dont le parcours de formation en école d’art a été marqué par la place du design graphique et de la communication visuelle - inscrit sa pratique artistique dans des rapports dynamiques entre lecture et écriture, recherche et production, de sorte que la porosité entre ces processus tient une place centrale. La matérialité du travail de l’artiste est multiple : formes imprimées, situations discursives, photographie, film et, plus récemment, objets en céramique, constituent un ensemble varié de formes. Magalie Vaz a produit plusieurs objets éditoriaux qu’elle désigne par le terme de « reader » où se côtoient des extraits de textes et des images collectés au fil de ses recherches dans les livres ou dans les strates des vastes mondes numériques. En optant pour le terme de « reader », elle inscrit consciemment ces objets dans le champ de la recherche et de la pédagogie où ces recueils d’extraits de textes proposent un rapport direct aux sources du savoir. Ces « readers » – dont plusieurs ont été réalisés dans le cadre de projets collectifs – proposent aux potentiel·les lecteur·ices un ensemble de ressources partageant des points de vue critiques, et ainsi transmettent des savoirs relatifs aux luttes antiracistes et aux études décoloniales, historiquement situées – pour une grande partie d’entre elles – dans le contexte français, républicain, anciennement impérial.
Avec L’Avenir (2024), Magalie Vaz explore les possibilités offertes par la démarche cinématographique comme laboratoire de production d’un récit hybride, mêlant enquête documentaire et science-fiction. Le film permet d’expérimenter la création d’une trame narrative et visuelle par l’articulation du texte, de la voix off – ici incarnée par le comédien Alassane Sy – et des prises de vue réalisées par l’artiste de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle et de ses alentours. Des parcelles agricoles, des réseaux routiers, des éléments architecturaux et des fragments de textes saisis dans le tissu périurbain constituent la toile à travers laquelle Magalie Vaz enchâsse différentes strates de récits et met en lien des lieux en France et dans les anciens territoires colonisés, en proie aux mêmes dynamiques de dépossession. La pratique pluridisciplinaire de Magalie Vaz infiltre les espaces d’exposition où elle conçoit des dispositifs lui permettant de rendre les objets qu’elle produit disponibles et accessibles. Pour cela elle initie des collaborations avec d’autres artistes afin d’élaborer des propositions sculpturales ou scénographiques. Investir la forme de l’exposition incite également Magalie Vaz à explorer la matérialité des œuvres qu’elle crée. Elle se saisit d’objets manufacturés – comme un porte-clé, une patère, des carreaux blanc de céramique – qu’elle est susceptible de transformer. Le déplacement de ces objets dans l’exposition convoque des espaces réels – domestiques, intimes – et incorporent d’autres histoires.
Magalie Vaz crée un mouvement continu entre des langages verbal et visuel, opérant des superpositions, juxtapositions et traductions. Sa pratique photographique et cinématographique entretient des liens étroits avec son travail éditorial en sondant la matérialité des images dans le contexte des mondes digitaux, c’est-à-dire des enjeux de circulation, de reproduction et d’altération. Consciente de la fascination exercée par les technologies numériques, elle interroge de manière critique nos rapports aux textes et aux images, informée par les questions de domination et de prédation qui en sont indissociables. À l’inverse, les formes qu’elle produit affirment leur accessibilité – dans une culture marquée par des échanges et des reprises libres – et transmettent des outils. En ce sens, le travail en collectif tient une place essentielle dans son approche artistique et politique. Magalie Vaz conçoit et participe activement à des espaces associatifs tels qu’un ciné-club (Noname Nomad Cinéma Club basé en Franche-Comté) ou une bibliothèque « spécialisée en art & pensées critiques d’un point de vue diasporique, panafricain et global » ouverte au public (Transplantation, situé à Paris).
Vanessa Desclaux - 2025
Titulaire d’un doctorat en Curating (Goldsmiths, Université de Londres), Vanessa Desclaux articule la recherche et la pédagogie à une pratique curatoriale transdisciplinaire. Elle enseignante à l’école Nationale Supérieur d’Art de Dijon depuis 2011, elle est curatrice et critique d’art. Vanessa Desclaux a travaillé dans différentes institutions artistiques (Tate Modern, Frac Nouvelle-Aquitaine MECA) et a collaboré, en tant que commissaire indépendante, à des projets dans différents lieux en France et en Europe (De Appel Arts Center, Amsterdam ; If I Can’t Dance, Amsterdam ; Bloomberg Space, Londres ; la Galerie, centre d’art de Noisy-le-Sec ; Frac Franche-Comté ; CRAC Alsace ; RMN-Grand Palais).
Crédit : Agnès Geoffray Adagp